
Sébastien Lecornu en déplacement à Mâcon, le 13 septembre 2025 ( AFP / JEFF PACHOUD )
Les Français connaissent à peine le son de sa voix. Cloîtré à Matignon depuis une dizaine de jours, Sébastien Lecornu poursuit ses tractations pour tenter d'éviter la censure en gardant un silence rare à ce niveau de responsabilités.
A moins que le nouveau Premier ministre ne sorte de sa réserve à l'issue de sa rencontre mercredi avec les syndicats, soutenus par la gauche, alors qu'il cherche un compromis avec les socialistes. Dans la foulée, mercredi après-midi, M. Lecornu recevra les représentants du patronat.
Ce fidèle d'Emmanuel Macron a reçu mardi le soutien du président, qui a dit sur BFMTV avoir "confiance" dans son Premier ministre et les responsables politiques pour "dessiner un chemin", jugeant "normal" que Sébastien Lecornu "prenne le temps", saluant son "courage" et son "engagement".
Les syndicats menacent de lancer une nouvelle journée d'action si ce dernier n'accède pas à leurs demandes - qui vont de l'abrogation de la réforme des retraites à une taxe sur les hauts patrimoines - exprimées lors d'une mobilisation d'ampleur jeudi dernier.
Au terme de cette journée, le très réservé locataire de Matignon avait assuré que les "revendications" des manifestants étaient "au cœur des consultations" engagées avec les forces politiques et syndicales depuis sa nomination le 9 septembre, donnant un signal à la gauche sans pour autant dévoiler ses intentions.
- "Petits bouts" -
Au risque de faire monter les enchères et d'augmenter la probabilité d'une censure. Chez les députés socialistes, "tout le monde est très remonté contre Lecornu parce que pour l'instant il ne nous a rien dit", rapporte un des leurs, qui a "du mal à ne pas voir" une censure à ce stade.
"J'entends la stratégie du silence, mais plus le 1er octobre (jour de la rentrée des députés, NDLR) s'approche, plus il va falloir dire quelque chose", prévient un responsable du Rassemblement national qui n'est "pas en mode négociation".
Depuis sa promesse à son arrivée à Matignon de "rupture" sur la forme comme sur le fond, Sébastien Lecornu ne s'est exprimé publiquement qu'à la fin d'un court déplacement à Mâcon pour annoncer un projet encore flou de maisons "France Santé".
Il ne s'est plié à aucun des grands rendez-vous médiatiques, comme le journal de 20h, passage obligé pour qui veut se faire connaître du grand public.

Le Premier ministre Sébastien Lecornu (à gauche) parle au président Emmanuel Macron, le 26 mai 2025 à Hanoï ( AFP / Ludovic MARIN )
Décrit par certains alliés comme "mutique", il n'a toujours pas de gouvernement. Sa formation a été repoussée de fin septembre à début octobre, selon plusieurs sources.
Chargé tel un "préfigurateur" de "bâtir les accords indispensables" avant de constituer son équipe, il entend trouver "le quoi avant le qui", insiste son entourage.
Et il prend "son temps" pour "laisser redescendre la pression", soutient un proche. "Il prend les sujets par petits bouts pour débloquer les points et les nœuds".
Une ministre ne croit pas à un accord "solde de tout compte" dès maintenant, même si une censure est possible dès l'ouverture de la session parlementaire. "Il y a des choses qu'on peut se dire maintenant, d'autres à la lecture du PLF (projet de budget de l'État), puis au PLFSS (projet de budget de la Sécurité sociale)".
- "Amorce" -
Sébastien Lecornu a reçu mardi, pour la troisième fois, les partis de son "socle commun" du centre et de la droite, qu'il veut mettre d'accord avant de tenter un compromis avec le PS.
Sans parler d'abrogation, des parlementaires évoquent la piste d'une suspension de la réforme des retraites jusqu'à la présidentielle, vue par certains à droite comme "une voie de passage" et par les socialistes comme "une amorce" de négociation.
Sans dire ce qui sortira au final de son chapeau, Sébastien Lecornu a tenté de donner en même temps un signal à la droite de son gouvernement qui pose, elle, des conditions pour y rester.
Il a reçu mardi les auteurs d'un rapport sur l'Aide médicale d'État (AME) pour les sans-papiers, que LR et le le RN souhaiteraient réduire, voire supprimer.
Ils ont eu notamment un échange sur une proposition du Sénat, à majorité de droite, "de limiter l’AME aux soins urgents et aux pathologies graves", selon le rapporteur et ancien ministre PS Clauve Evin, joint par l'AFP. M. Evin, accompagné par le haut-fonctionnaire LR Patrick Stefanini, ont dit leur opposition à cette proposition "qui coûterait plus cher en réalité".
En travaillant sur l'AME, "sans qu'il y ait un regard des acteurs de santé, sans qu'il y ait un gouvernement, cela montre bien combien (cette) question est avant tout une question idéologique, de négociation politique", a déploré le président de l'ONG Médecins du Monde Jean-François Corty.
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